• Le deuxième point porte sur la notion de médiation, d’aire intermédiaire. Avec l’utilisation de procédés créatifs non verbaux, on est dans un espace et un temps où peuvent être rendus supportable la tension entre l’indicible du dedans (la réalité interne propre à l’enfant) et l’inacceptable du dehors (la réalité externe). Ainsi les objets médiateurs (peinture, modelage, musique etc.) proposés par l’intervenant se prêtent à une modulation, à une création, plus exactement à une co-création (avec l’intervenant et les autres du groupe). De cette manière se trouvent réalisés tout à la fois un partage, une contenance et la présence de certains objets qui vont permettre aux enfants de travailler leurs problématiques personnelles.
• Le troisième point réside dans la notion de cadre. Les activités créatives qui viennent d’être mentionnées nécessitent de se dérouler selon des conditions particulières. Il faut un cadre bien fixé dont l’intervenant est le garant. Ce cadre comporte le respect d’un certain nombre de règles du jeu concernant les horaires, la durée, le déroulement des séances, le support non verbal proposé, l’action mise en jeu etc. c’est véritablement de cette manière qu’on peut évoquer une art-thérapie, c'est-à-dire une thérapie par l’intermédiaire d’objets médiateurs rendant possible la créativité. Il s’agit de tout autre chose que de techniques occupationnelles. L’ambition en effet de permettre grâce à ce détour non verbal la relance des processus de pensée.
• Le quatrième point de repère concerne le groupe : les rapports entre l’intra-personnel et l’interpersonnel sont ici essentiels à considérer. Le groupe ne signifie pas qu’on réunit ensemble plusieurs enfants pour que chacun produise une œuvre. Le groupe, c’est d’abord que les enfants participent ensemble à un processus de création avec l’aide de l’intervenant, de sorte qu’au bout du compte l’œuvre finale soit le reflet de la dynamique du groupe et de la part de chacun dans cette dynamique. C’est le va et vient entre l’individu et le groupe qui est important à considérer. Bien évidemment un tel travail n’exclut pas à un moment la production personnelle d’un enfant, car cette production personnelle est nécessaire au soutien de son narcissisme défaillant. Mais en même temps, chaque enfant a la possibilité de « grandir » énormément en étant soutenu dans la prise ne compte de l’autre, dans la circularité des échanges, dans le travail sur les ressemblances te les différences, dans le respect de la subjectivité d’autrui, autant d’éléments qui permettent de travailler et de mettre en dialogue la socialité et la subjectivité, la contrainte et la liberté.
• Le cinquième point de repère comme l’intégration et l’articulation des activités créatives avec les autres aspects de la prise en charge globale des enfants. Il ne s’agit pas d’une sorte de parenthèse. Les ateliers d’expression et de travail créatif ne sont pas une parenthèse ludique dans une journée comportant par ailleurs un certain nombre de contraintes et d’obligations. Ces ateliers font partie d’un tout, d’un climat général. Ils sont éléments d’une approche multifocale orientée vers un même objectif. De ce point de vue, une articulation particulièrement privilégiée est à conserver avec l’apprentissage scolaire. L’activité créative non verbale contribue à soutenir les processus cognitifs lesquels de leur côté peuvent renforcer les possibilités créatives. Le but commun est de toute façon de soutenir chez l’enfant des capacités à mettre ses émotions en pensées et en représentations communicables et partageables. Il s’agit de permettre qu’il parvienne à lier et à maintenir distinct éprouvés, émotions, et pensées, soi et les autres. Il peut alors être possible qu’il construise des représentations plus confiantes de lui-même et de ses liens aux autres. Il est possible aussi qu’il puisse mieux comprendre et penser sa détresse et ses traumatismes. (…) Tout le travail proposé par une association comme PREMA est d’offrir un contexte, des personnes, susceptibles de rendre possible que l’enfant reprenne un développement l’orientant vers une certaine réussite malgré les dommages qu’il a subit. C’est alors qu’il s’engagera dans un processus de résilience. »
Michel DELAGE est l’auteur de l’ouvrage « La résilience familiale » Editions Odile Jacob, 2008.
Une offre à la résilience
Les enfants sont dits résilients lorsqu’ils trouvent la possibilité de surmonter leurs traumatismes, et entrent dans un processus de construction de leur histoire qui va donner un sens aux souffrances vécues. Ils pourront peut-être alors se projeter dans l’avenir avec un réel projet.
Michel DELAGE, psychiatre, ancien chef de service de l’hôpital des armées à Toulon et spécialiste en thérapie familiale, conseille et accompagne toute l’équipe de Prema. Il y anime des réunions avec les enfants depuis 1999. Sensible à notre approche de l’enfance en difficulté, il soutient notre démarche en mettant en valeur notre projet au travers de ce texte intitulé "Prema et l'aide à la résilience".
« Ces enfants placés, déplacés en foyer, en famille d’accueil sont des enfants qui sont tous confrontés plus ou moins au traumatisme psychique, par maltraitance, abandon, ou carences de soins. Pour autant, ce sont des enfants dont la plupart ont en eux des « braises de résilience » (B. Cyrulnik). Ils ont des ressources, ils ont des capacités, ils ont des compétences à l’état de promesses. Travailler dans l’optique de la résilience c’est donc mettre à la disposition des enfants des ressources externes susceptibles de mobiliser leurs ressources internes et de les amplifier.
Deux volets sont nécessaires pour offrir aux enfants une aide à la résilience :
Ce sont précisément ces deux volets qui sont tout spécialement travaillés au sein de l’association PREMA.
1. Tout d’abord le contexte de bientraitance :
La plupart des enfants ont construit des visions d’un monde hostile, incertain, dans lequel les adultes sont imprévisibles et souvent source de souffrance. Ces enfants ont besoin de construire des liens d’attachement « sécure », c'est-à-dire, capables de réguler leurs émotions négatives et d’apaiser les intenses moments de détresse qu’ils peuvent éprouver. Ce n’est qu’à partir de ces liens sécures que les enfants pourront reprendre un développement psychoaffectif positif, et pourront être suffisamment disponibles pour les apprentissages scolaires. Par conséquent, l’environnement doit être capable de remplir plusieurs tâches :
Ces tâches sont difficiles à atteindre. Elles nécessitent une équipe peu nombreuse, très cohérente, dont tous les membres sont bien en accord avec les objectifs, où chacun est à l’écoute des besoins spécifiques de chaque enfant, en même temps qu’il a le souci constant d’un ajustage avec les autres intervenants du groupe. PREMA présente ces caractéristiques qui permettent du même coup l’émergence d’un climat relationnel chaleureux, familier et l’alliance coopérative entre les uns et les autres.
2. Le deuxième volet, dans l’optique d’une aide à la résilience est le plus important.
Les enfants concernés sont des enfants dont les processus de mentalisation sont pour la plupart bloqués, précisément en raison de leur incapacité à réguler leurs émotions. Ce ne sont pas des enfants à l’intelligence médiocre, ce sont des enfants à l’intelligence bloquée. Il s’agit donc de relancer les processus de pensée, d’amener à des capacités d’élaboration et de représentations capables de remplacer les agir pathologiques.
Plusieurs points sont ici à préciser :
• Le premier réside dans l’utilisation de modalités d’expression privilégiant le non verbal. L’essentiel se joue ici au niveau des gestes, des attitudes, de l’expression émotionnelle. Le savoir-faire de l’intervenant réside dans l’utilisation du canal sensori-moteur le mieux adapté à l’enfant. Il faut proposer plusieurs techniques et modalités d’expressions. Ce qui compte ici n’est pas tant la qualité esthétique de la forme, c’est davantage la facilitation du langage analogique ainsi permise par les activités proposées.